Fictions de famille (5) – Idfolles

Fictions de famille (5)

J’entends mes enfants sauter sur le lit de leur arrière grand-mère. Je leur dit de se calmer un peu mais elle, elle sourit. Elle ne parle plus mais elle semble contente de voir les enfants. Nous avons allumé la télé où des ados américains reçoivent leurs prix de fin d’année. Tout est à sa place. Dans le téléfilm, il y a une chanson folk à la mode. Je le répète : tout est à sa place.

Ici aussi. Hier matin je disais à ma femme : “tu sais à vingt ans j’ai eu le choix entre quitter la terre dans un moment hors espace-temps mais j’ai prétendu que je n’avais pas fini ma vie sur terre. J’aurais peut-être du ne pas faire ce choix” Alors elle m’a répondu : “Alors tu regrettes tes enfants ?” Alors j’ai compris que j’ai en fait bien fait de ne pas renoncer au monde : “Non je ne regrette rien et surtout pas toi !” Mais je sais que je ne changerai pas le monde, que si j’ai voulu revenir à la vie dans ce but là, je dois faire une croix dessus.

La vie m’a réservé cette simple leçon : Le jugement revient à elle seule. C’est Elle qui juge de l’équilibre complexe et si nous essayons de lutter contre, si nous essayons de la mener sur un certain sentier, c’est à Elle seule que revient la décision, le jugement.

C’est une leçon d’humilité.

Je ressens un grand calme et si je ne sais pourquoi je connais ce grand calme, si mon esprit est ainsi au repos, si je ne cherche plus des équations, je vis, je vis et le reste importe peu car il m’échappera toujours. Je ne fais rien pour activer mon cerveau, depuis longtemps déjà je vis avec mes acquis d’étude.

Hier soir j’étais devant la télé, devant un feuilleton américain, un de ces feuilletons dont les épisodes se suivent et dont l’histoire ne finit jamais. Je décide d’aller enfin me coucher. Je bois un verre d’eau. Là je vais vous décrire un événement que je n’explique pas et qui se répète souvent : une larme a coulée sur ma joue. Alors j’imagine que c’est mon père qui d’outre-tombe verse une larme pour son fils à la dérive.

“A la dérive”, est-ce encore un mot grandiloquent pour en cacher un autre ? Quand j’écris “je suis calme” c’est que je me laisse porter, porter par les événement et que ma volonté, elle, ne s’exprime pas. Faute de volonté, faute d’effort, je subis les éléments, je suis à la dérive. Je sais bien que je ne devrais pas écrire celà, que je ne devrais pas le publier. Je devrais faire un footing, je devrais passer l’aspirateur. Faire quelqu’effort physique puisque l’effort intellectuel je le refuse. Je devrais, je devrais… Mais je ne fais rien.

Quel est ce mot caché derrière cette écriture, à vous de le découvrir, si ce n’ai déjà fait.