Confession – Idfolles

Confession

Je veux sans rime et sans atour ici dire quelques mots, mots éparses et sans voix qui résonnent en moi : fatigue, solitude, fainéantise, désespoir. Enfin le lot commun des humains. Ne dit on pas : je suis fatigué de ne rien faire ? Oui je suis fatigué d’user mon énergie pour une cause perdue… Mes élèves qui de La Mathématique ne veulent rien entendre. C’est un cercle vicieux : je m’épuise, je me fatigue et le goût de faire me quitte.

La solitude j’en ai déjà parlé : je sais qu’elle est nécessaire. C’est dans la solitude que l’on crée. L’acte est solitaire, mon action est solitaire. D’aucun vous dirons qu’il crée à plusieurs, à quatre mains ou plus. Je reste persuadé que l’échange est utile mais que la création est un acte solitaire.

Fainéantise car épuisement contre l’inanition de mes élèves. J’aurais pu en vouloir et fustiger la terre entière. Penser un moment que le peuple ne peut être que dirigé mais jamais éclairé… Je l’ai pensé.

Seule la liberté d’être est créatrice. Le reste n’est que sclérose et répétition rassurante même si nécessaire.

Seule la liberté, ce moment où l’on vit pleinement, ce moment où l’on cesse de lutter contre l’autre, ce moment où l’on cesse de se conformer à des règles imposées, seule la liberté est créatrice.

Je ne parle pas d’une liberté sans contrainte, d’une liberté qui ne tienne pas compte de l’Autre, je parle de ce moment où l’on est l’unique objet, l’unique sujet, irremplaçable nombre qui vibre à l’unisson des autres, apportant cette nouveauté que le monde ne connaissait pas, ce nombre nouveau, premier ou multiple mais chaque fois nouveau car tout nombre créé est nouveau.

C’est cela qu’il faut comprendre : la nouveauté que l’on apporte au monde et non pas se conformer à ce qui nous rassemble autour d’un lot commun nécessaire et répétitif.

Je je je obscur qui tend vers la lumière. Je sens en moi qui sourd à la fois source et surdité, je sens en moi la source d’une nouvelle arithmétique ou le nombre est multiple, je le vois comme un prolongement de celle que j’ai apprise….

Mon souhait le plus grand serait de pouvoir consacrer mes journées à comprendre les mathématiques du vingtième siècle, celle du groupe Bourbaki en particulier, pour pouvoir effacer des zones d’ombre dans mes connaissances, pour pouvoir construire ma maison, ma propre maison mathématique

Mais il faut se lever et aller enseigner et revenir chaque soir épuisé par cette fuite du temps, ce temps que je n’ai pas consacré à ma liberté.

Voilà ce que je voulais exprimer dans cette confession. Je n’arrive pas à consacrer ma vie à enseigner et le soir, la nuit la consacrer à mon rêve, à cette vie que je sens sourdre en moi. Ces deux vies là, je n’arrive pas à les faire vivre et l’une étouffe l’autre.