Si je devais parler, mon vieil ami, je te dirais : regarde notre vie, bien peu de choses en somme et pourtant l’on voudrait bien se mentir et se faire croire que nous sommes les seuls oui les seuls en ce bas monde à avoir raison quand nous levons notre verre.
Non, mon frère, je ne bois plus, je ne lève plus mon verre. Si je devais lever mon verre ce serait aussitôt pour cracher au visage du monde mon unique, mon menhir, mon désaccord, et je m’en irais seul au milieu de la nuit avec ce goût amer de l’incompris, de l’injustice.
Oui, mon frère je me sens de ceux là que l’on nomme les justes. Je laisse à chacun le droit de créer l’injustice. Je ne vis pas dans ce monde où l’on survit de ses obligations. Je vole, je survole et celà fait jaser.
Mon ami, je sais que le mot LIBRE est chaque jour enterré. Et si je ne suis pas libre de le crier chaque jour, je sais que ces mots là je ne les renierai pas. Jamais.
Jamais tu m’entendras croire que la vie que je mène a un sens ici bas. Je ne rêve pas de conventions, de contrôle et de notes. Je ne rêve pas d’être prof. Je suis ce prof un peu fou qui donne à ses élèves la liberté de dire : “ceci ne m’intéresse pas” mais je rappelle toujours que les règles sont là. On n’y coupera pas
Oui le mot liberté, la première et dernière liberté : celle de dire ce qu’on pense loin des banalités je te la livre ce soir.
Vous qui lisez ces mots je ne vais pas vous raconter mon histoire. J’ai dépassé ce cap. L’important n’est pas là. Cessez de juger et de vouloir juger. Cessez de vous enfermer dans les définitions. Les définitions sont toujours étriquées. Elles sclérosent la réalité.
Il y a longtemps de ça j’écrivais :”Ils ont coupé tes bras pour édifier leurs tours”. Et j’ajoutais “L’arbre est mort sur la croix….”
Mon ami, ce soir je te l’écris : je suis mort. Je suis un survivant, je survole, je vole quelques instants fugaces. Les certitudes me font rire, les certitudes me font ricaner.
Mon ami, ces mots sont comme mon alcool. Je les lève ici bas… Mais c’est pour mieux me taire. Je ne bouge pas d’un iota. Je souris à la vie qui n’est pas de ce monde, de ce monde social.