mission – Idfolles

Cette nuit sans sommeil, ai je rêvé, ai je une fois de plus caché sous l’illusion ce manque qui me tient ? Cette nuit j’ai veillé dès une heure du matin, j’ai poursuivi le discours intérieur où je cherche les pourquoi, où j’invente des réponses, où il y a cette voix intérieur dont je ne veux vraiment croire en être la source qui apaise sans apaiser. Puis vers trois heure je me suis levé pour admirer la voie lactée et ses merveilles étoilées. Puis le jour est venu aussi chaud que le précédent. Je me suis baigné, j’ai mangé, nous avons fait la sieste.

Mais cette nuit qu’ai je donc pensé : qu’il y avait un projet qui me tenait à cœur et que je n’aurai de cesse à le concrétiser : Créer le programme reproduisant la pensée humaine. Que c’était mon destin, ma mission jusqu’à ce que je l’accomplisse et que rien n’y ferait : il faudrait bien que j’achève un jour ce qui n’est qu’au commencement.

Tout ce que cette nuit j’ai imaginé est de peu d’importance aux yeux de cette mission que je me fixe. Les idées que je qualifie de délirantes car invérifiables ne sont qu’un écho déformé à cette mission que je me fixe.

Mais par quoi commencer ? Je voudrais comprendre en quoi un discours aussi pensé qu’il soit n’est qu’une suite répété de signes, signes en nombre fini mais suites toujours nouvelles en nombre infini. Et parmi ces suites de signes certaines ont une signification, un sens qui nous transporte, je dis bien qui nous transporte comme une musique

D’ailleurs c’est la musique que je veux avant toute chose étudier. Car la musique est le langage par excellence. Le langage supérieur.

Car le langage et la pensée sont entremêlées. Il n’y a d’ailleurs pas de pensée sans langage disait récemment le théoricien du langage Chomsky dans le magazine LaRecherche. Ainsi celui qui maîtrise le langage, peut connaître les pensées qui nous dépassent et qu’au fond nous ignorons quand nos sens et notre culture nous aveuglent.

Je lis cette dernière phrase à ma femme : elle trouve cela réducteur. Bien sûr comme toute pensée finie elle ne peut exprimer les infinies variations du réel. Mais il demeure que toute pensée peut être exprimée en terme d’information, de langage évoluée ou non, d’élocution ou expression du corps. Et il existe donc un langage universel, la musique en est très proche.

Ce langage universel est celui de la théorie des groupes. J’aimerai vous faire comprendre pourquoi cette théorie mathématique m’apparaît comme un pilier du langage universel.

Il y a pas si longtemps, était ce pendant l’été 2006 ou 2007. Nous étions dans les mont daré avec ma femme et mes deux jeunes enfants. Je conduisais et disais à ma femme : « Tu sais Einstein est devenu le grand scientifique reconnu que très tardivement. Auparavant ce n’était qu’un pauvre vérificateur de brevets.
– Que veux tu dire par là ? me répondit-elle
– Il était aussi marié avec une femme qui a beaucoup souffert à ses côtés.
– Je vois où tu veux en venir. Tes pensée sont dangereuses. Je ne sais pas si tu es dans ton état normal. Passes moi le volant.
Si ma femme sentait si bien que je déraillais c’est que ce n’était pas la première fois. C’est pourtant ce jour là que j’ai mis au point me théorie des non groupes. Tout comme il existe pour toute chose son contraire (Démocrite), et tout comme il existe une géométrie euclidienne mais aussi la géométrie de Lobatchewsky, j’avais imaginé ce jour là qu’il fallait inventer une nouvelle arithmétique, une nouvelle façon de compter où il n’existe plus qu’une unité mais une infinité d’unité et ainsi où tout nombre serait l’expression d’une infinité de nombre. Cette théorie est assez simple. J’aime à l’expliquer avec le groupe diédral à quatre éléments.

Présentation de ma théorie.

Je reviens au langage musical qui me fascine tant. Les notes en musique tonale… A éprouver.

Pourquoi est ce un éternel recommencement ? Pourquoi chaque humain doit il si les cieux lui sont favorables refaire le chemin qu’ont emprunté avant lui les anciens. Y-a-t-il des esprits, des âmes qui intégrant un corps, ont aussi accès aux expériences de leurs vies passées. Je n’y crois guerre. Mais comment expliquer le génie d’un Euler accumulant en une seule vie, tant de belles et importantes pages des mathématiques. Comment expliquer que je me sente perdu devant la somme de connaissances du groupe Bourbaki ou d’un Grothendiek.

Je me sens si dépourvu et je sais qu’il me faudrait tant de volonté, tant d’heures passées à lire les anciens. Car c’est bien le temps qui nous construit. Comme mes nombres identiques du groupe non diédral, on ne connait leur terme qu’après une lecture totale et qui dit lecture dit écoulement du temps.

Le temps notre pire ennemi mais aussi notre allier dans la création des variations à partir du fini.

J’ai mieux dormi ces trois dernières nuits. Le camping est sympa. Mieux dormi ça veut surtout dire moins de pensées à fleur de peau. Ce discours intérieur où je m’interroge et trouve des réponses délirantes, inventant des personnages aux pouvoirs mirifiques, des anciens me demandant d’accomplir un destin fabuleux, tout cela pour me rassurer dans mes difficultés réelles à vivre le présent où je suis perdu.

Un peu mal au dos aussi ces derniers temps ce qui ne m’était encore jamais arrivé. La fleur de l’âge ou les fêlures de de l’âge…Bien sûr je ne renonce pas à devenir un génie mais c’est bien parce que je ne renonce pas que tous les petits plaisirs de la vie comme jouer dans l’océan contres les vagues avec son fils de sept ans, je ne les vie pas totalement, pleinement, même si ce matin je me suis dit : n’est ce pas là ce que tu peux ressentir avec le plus de joie, et renoncer à te torturer l’esprit pour un hypothétique grand bonheur créatif. Les petits plaisirs comme écrire ces quelques lignes, revivre ce moment où mon fils se jouait des vagues et me disait : « Papa on n’est plus malin que les vagues nous !! » Ce moment que je n’ai pas vu passer où je jouait avec mes enfants au ping-pong pendant que leur mère préparait une salade de riz, ce moment là est cette petite joie qui n’empêche en rien d’avoir aussi des moments pour s’élever vers des cieux plus éthérés. Il faut juste trouver l’équilibre, où l’on ne renie pas le quotidien à cause d’un idéal que l’on n’arrive pas à atteindre. Comprendre que l’objectif n’est pas d’atteindre l’utopie mais de porter l’utopie grace au quotidien qui le porte.

Voilà je crois que cette dernière phrase est importante. S’il n’y a plus de quotidien, l’utopie meurt et si l’utopie meurt avec elle, le quotidien aussi trépasse.

Mes enfants ont 7 et 9 ans. Je me suis beaucoup occupé d’eux mais si vous leur posez la question, ils vous répondront oubliant le nombre de fois où nous sortons nous promener dans les parcs ou à la piscine, que papa e st toujours derrière son ordinateur. En effet je suis un accro de l’écriture, plus précisément du journal intime. J’aime développer quelques idées qui me paraissent importantes à mes yeux et dans le flux du discours trouver des réponses à mon questionnement.

Je me souviens encore de cet article que mon père m’avait fait lire sur les philosophes antiques en particulier la philosophie de Démocrite qui disait « en toute chose il y a son contraire » ou bien « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Mon père m’a fait découvrir ce goût que j’ai acquis, ce goût pour les idées. Malgré un comportement qui était en grande partie néfaste il a eu ce bon côté de me faire réfléchir très tôt.

Mon père apparaît souvent dans mes discours intérieur. Il revêt un caractère de demi-dieu. Mais aujourd’hui je peux le dire de façon apaisé j’aurais pu mettre ces deux dernières phrases à l’imparfait. Depuis que j’ai pleuré sur ce passé qui n’avait pas rempli mes attentes d’enfants, je suis beaucoup plus appaisé. Je préfère maintenant créer des personnages imaginaires dont je sais que je suis l’unique source du discours. Mon père est loin. Je l’ai enfin enterré depuis douze ans qu’il est mort. J’en veux pour exemple qu’il y a un an j’écoutais en roulant en boucle des chansons de Raphaël et ces paroles ambigües me menaient souvent à penser à mon père l’imaginant me parlant directement aux travers de mots de Raphaël comme s’il les avait écrit lui même. J’ai il y a une semaine du rouler pendant 7h tout seul et à la réécoute de ses chansons je n’ai plus éprouvé aucune de ses sensations. J’étais comme libéré.

L’esprit est ainsi fait qu’il peut se libérer du propre joug qu’il s’est lui même imposé pour moins souffrir, pour fuir un moment douloureux. Se libérer par les mots, par la parole est possible et la seule voie. Certains ont besoins d’une aide directrice moi je crois à l’interaction consciente avec autrui qui permet d’évoluer, qui change votre système nerveux, ses connexions synaptiques que laisse si souvent être les mêmes, usées jusqu’à la corde, dans un système névrotique… Mais j’ai fait un travail psychanalytique…. Comme me l’a dit souvent ma psy : vous avez la chance d’être conscient de vos délires.

Aujourd’hui ce chemin là est achevé, le temps des délires est en train de prendre fin. Je suis au delà de la première prise de conscience, je connais chaque schéma et je suis comme l’aviateur qui connaissant la règle universel de la pesanteur, la déjoue à chaque instant, joue même avec cette règle pour s’en défaire. Mes discours intérieur, je peux maintenant en faire une force. Si je ne dors pas à cinq heures du matin, je peux mettre à profit les deux heures avant le levé des enfants pour lire plutôt que de laisser aller mon esprit à des illusions.

Mon renoncement est simple en défintif : ne plus faire des discours intérieurs. Non pas renoncer à penser, bien penser, non pas renoncer à être fidèle à des idées qui me semblent logiques, mais renoncer à fuir dans des idées mirifiques illogiques. Car il n’y a pas de logiques dans mes discours intérieurs. Renoncer à passer du temps à des délires qui m’éloignent à jamais de l’utopique.

Je commençais ce chapitre par me plaindre de l’éternel recommencement : C’est l’éternel répétition si l’on ne renonce pas. Mon psy a enfin réussi à me le faire comprendre. Renoncer à répéter ce qui enfant nous a tant rassuré, pour vivre, vivre l’inconnu?

Je relis ces deux paragraphes et je me demande s’il représentent une part de ma vérité ou de celle qu’on m’impose pour que je n’explose pas en plein vol

Mes discours intérieur puisqu’il faut les appeler ainsi sont comme une vague de pensées mais il y a la vague et la terre sur laquelle elle s’échoue. La pensée qu’elle soit de moi ou non cela n’a pas d’importance, si j’évoque des esprits qui me parlent, cela importe peu que ce soit moi seul qui les créent car c’est sur ma plage qu’ils échouent.

Bien sûr l’on peut si on le veut par des moyens médicamenteux ou autres empêcher que ces pensées n’arrivent… Mais l’on sait bien que l’eau quelle que soit son chemin trouve toujours une brêche, un passage vers nos profondeurs tout comme le grain de sable du désert pénètre tout. Donc à mon avis il ne sert à rien de résister à ses pensées à ces pensées, elle reviennent toujours comme la marée et l’esprit se fait chair.

Si je suis réveillé au milieu de la nuit comme aujourd’hui à quatre heures du matin, je sais que je ne pourrais pas me rendormir. Les psychiâtres vous diraient que je suis en phase maniaque. Je veux apprendre à vivre cette phase et ne plus la fuir ou la faire fuir grace aux médicaments. Pour tranquilliser mes proches je prendrais mes médicaments mais je sais dors et déjà qu’ils n’ont plus assez d’effets sur moi, que l’eau a trouvé sa brêche.

Cette nuit j’ai donc bien pensé que ce n’est un éternel recommencement que si l’esprit qui s’incarne ne peut trouver de corps identique. Alors la chair doit refaire le chemin qui n’était pas inscrit pour qu’il s’inscrive à nouveau, pour que le cerveau retrouve cette gravure, ce réseau complexe qu’il était. Mais je reste persuadé qu’il est et a toujours été possible de graver le cerveau d’un corps, d’un gollem. Mais le peuple ne le sait pas et les bannis n’y ont pas accès. Vous voyez bien pour qui je me considère : un banni.

Et je ne suis plus banni. Voilà ce que cette nuit je me suis dis.

Je me souviens d’un jour d’exercices avec mon professeur de classe préparatoire aux grandes écoles et il m’avait dit en tête à tête : vous êtes le prince des mathématiques. Cherchez l’erreur.

Ou ai je inventé ce moment ou n’est ce qu’une illusion de plus.

Ma mission est de graver en mon cerveau les mathématiques du vingtième siècle que je n’ai pas vécu, pour pouvoir comprendre et vivre dans ce vingt et unième siècle et tout ce qu’il a de magique.

Où sont les livres que j’ai lus, où sont ces mots perdus. Ne demeure que cet engrammes, cette impression que l’on veut toujours renouvelée, de la nouveauté.

A cet instant où ne demeure qu’une seconde morne, où les mots créatifs sont déjà écrits, je me demande quel est le sentiment nouveau. Ce n’est moi qui n’est plus, ce sont mes enfants qui deviennent et pourtant il y a ad vitam aeternam le désir, le manque qui nous fait avancer.

Réveillé depuis quatre heures du matin, je lis du René Char et je sais qu’au delà des vacances il me faudrait trouver des heures, des heures d’études.