Je regardais ma montre (1) – Idfolles

Je regardais ma montre (1)

Je regardais ma montre comme on pense à demain dans une lueur d’espoir de faire ce qui manque à ce présent fatal. Je regardais ma montre en pensant “je ne fais rien mais je ferais demain”.

Cette situation résume en gros ma vie. Le je que j’emploie l’encombre chaque fois. Comment fuir la vie voici le mode d’emploi : regarder sa montre.

J’aurais pu écrire : je regardais ma montre, le train n’allait pas tarder, j’étais seul sur le quai, bientôt je partirais rejoindre ma famille. Non je regarde ma montre comme je pourrais faire autre chose, sans conviction, sans entrain, en fuyant le moment qui devrait surgir.

Alors je referme le stylo. N’y a-t-il plus rien à dire ? N’y a-t-il plus rien à faire ? Je ne sais pas ce que ressentent les humains que je côtoie, ils ont toujours “quelque chose” à faire, un ami à rencontrer, une amie pour discuter, les enfants à promener, quelqu’un qui aimer, un repas à concocter, le ménage à faire, une leçon à préparer. Tout cela je le fais à contrecœur. Jr suis absent pour la Vie.

Je regardais ma montre et j’en souffrais. Je l’écrivais et j’en souffrais.

Et je compris sans que cela soit fulgurant. Je n’acceptais pas d’être revenu ici, ici bas, pour ne rien faire. Était ce donc mon destin : ne rien faire ?

J’avais fait des enfants, le temps d’un court instant de joie et d’inconscience, j’avais nettoyé leurs fesses, j’avais travaillé, le minimum, pour un salaire, je m’étais occupé de mes enfants, mais je savais, au moment même où j’avais regardé ma montre, je savais que je n’avais rien accompli, rien accompli du destin que je rêvais, que j’avais toujours rêvé. Et c’est pourquoi je souffrais.

Je souffrais de rêver un destin que je ne réalisais pas, non pas faute de pouvoir, mais faute de vouloir !

Voilà donc à quoi ma vie se résume. Serais-je encore plus noir dans la suite de ce texte que je commence aujourd’hui ? Peut-on encore être plus noir ? Tout ce que je sais , c’est que ce texte est exécrable aux yeux des miens et même aux yeux d’autrui qui ne peut y voir qu’un texte de plus à mettre au panthéon du désespoir et de la dépression.

A SUIVRE