3-01-1992
C’est l’histoire d’un dé, un dé qui devait en découdre au hasard des jeux, sur le tas, le tas de terre, à petit feu, pas à pas. Mais la vitesse le prit, sans un mot sans un geste elle lui dit : “va !” Et le vide le happa ! Manquait plus qu’un coup de dé, un coup de tête, arrêter la descente, s’éloigner de son centre ad vitam… aeternam. C’était un dé bien rouge avec ses petits points noirs comme ceux d’une cravate à pois bien ficelée au cou d’un homme haut et large comme un tonneau, au bon ventre débonnaire. C’est un dé perdu réduit à sa propre expression, à sa propre nullité, perdu pour le sourire et la joie, solitaire et vidé. Etait-il pipé ? Avait il triché ?
6-01-1992
La bonté plus qu’humaine
Est au fond de mon âme
Et mon corps étourdi
Est un havre d’espoir
Où mon esprit intact
A tatons
Dans l’ombre des beautés
Sent la joie contenue
Dans ces replis, ces ombres, ces étoiles
Qu’il ne saurait nommer
Sans voix sans mot
Sans nom pour les nommer
Un rêve
Plus qu’une idée
La bonté plus qu’humaine
Quant au loin de son coeur
L’homme éperdu s’enterre
Et hume la haine
Et s’empêche de vivre
Et s’interdit de vivre
Ses enfants et lui-même
Et apprend à juger
Ce qu’il ne comprend pas
La bonté plus qu’humaine
Au bord d’une source
Où mon âme indécise
Et par moi désoeuvrée
Dans un monde “social”
Où dévale mon errance
Dans son incohérence
La bonté plus qu’humaine
Quand la peur m’abrutit
Dans ce monde échappé
Dans sa course effréné
Où j’ai peur de foncer
Où l’entrée est flêché
La bonté plus qu’humaine
La folie de rêver
D’autres fleurs moins fânées
15-01-1992
Dors et crève
Mords et rêve
Des lors sans trêve
Tes crocs dans sa sève
Dors et crève
Croque crache
Secoue arrache
Cloue cravache
Remue détache
Croque crache
Coupable honteux
Faible cireux
Angoissé et fiévreux
Pauvre loqueteux
Coupable honteux
15-02-1992
Ici pas plus loin, juste au milieu de l’indécis, je lance des mots en plein combat, en plein visage. C’est un geste systématique au filigrane inconnu, plein d’astérisque et de renvois. Poursuivi par une sombre affaire de moeurs j’ai fui le monde au pas de mon angoisse et de ma peur, j’ai fui le monde étourdi par les applaudissements d’une foule ébahie, j’ai fui dans une occulte et fade organisation. On entre par une porte, on s’enfonce dans un mur où un miroir s’efface, on ne vous retrouve plus sur le champ d’un trottoir… Pourquoi revenir ? Pourquoi repiquer ? Pourquoi se faire reprendre ? ON se perd de vue soi-même et puis les autres, à force de demandes et d’oubli, de renouveau et de renoncement. Tous ces mots que j’arrache à la douleur ; quand on remue la merde avec ses doigts, revenir c’est faire ça, chaque fois, chaque heure et chaque jour ici et ailleurs. En me laissant aller j’irai jusqu’à hacher mes phrases et laisser en suspens leurs fins, en oubliant des mots, ici ou là, que vous rechercherez pour mon navrant plaisir de perdant.
18-02-1992
Le jardin suspendu
Tu dors
Je crois
Je fais au plus urgent
Je pars à travers champs
La saison est finie
La chanson ne fut jamais ici
Tu m’aimes
Je crois
Mon coeur parfois
N’est plus là
Perdu et sans voix
Face à face de misère
Mais toi ?
Solitude de mes nerfs
Mer inlassable
Tous ces toi qui me viennent
Où vais-je
Mais toi ?
Absence de ma vie
21-02-1992
Capte, capte un message au fond de l’espace
Rapt, rapt aux coins du monde et des fracas
Les hommes parlent, parlent
Et la terre nous regarde
Et la lune blafarde
Au fond de mes yeux sa beauté
Place, place ; place au silence
Et non aux inepties de nos peurs qui nous noient
Un tambour bât et je suis ce tambour
La vie n’a pas besoin d’être réduite au moi
A tous ces mois qui crient leur désarroi
Même au fond leurs émois
La lune, pâle et blanche dans la pureté du ciel
Ailleurs d’autres vies douloureuses
Ici ce corps bien chaud
Un tambour bât et je suis ce tambour