Fictions de famille (1) – Idfolles

Fictions de famille (1)

J’ai sept ans tout rond depuis presqu’une semaine. Je suis née le vingt et un octobre 2000 à 21h12. Mon père a tout de suite remarqué que 21h12 se lisait dans les deux sens. C’est un palyndrome qu’il m’a dit. Encore un mot savant. C’est vrai que mon père est savant. Il a fait des études, des longues études. C’est un professeur de lycée.

21h12 c’est un signe qu’il a dit. Un bon signe ? que je lui demande. Oui, un très bon signe, ma fille, qu’il me répond chaque fois.

J’ai un petit frère qui va bientôt avoir cinq ans. Il a parlé très tard vers quatre ans. Aujourd’hui il est heureux. Moi aussi je suis heureuse. Mon frère est né le 27 décembre 2002, ma mère avait alors trente cinq ans et un jour. Le 27 c’est aussi le jour de naissance de mon père.

Mon père il aime les chiffres, il aime les nombres. Normal c’est un prof de math. C’est lui qui nous a fait remarqué tout ça. Moi je suis trop petite je n’attache pas d’importance à tout ça. Lui il dit souvent : “Tout ça c’est le hasard, il faut laisser le Hasard faire son oeuvre”

Maman quand il dit ça lui répond : “Il n’y a pas de hasard, Jean, Einstein lui même disait que Dieu ne joue pas au dé”

Mon père lui répond : “Votre grand père qui est mort depuis 10 ans m’a raconté un jour qu’un de ses vieux professeur brûlait un cierge tous les jours en priant que Einstein ait tort !! Quel ironie, non ! Bruler un cierge et ne pas croire en Dieu. Moi je pense que les Dieu ne maîtrisent pas le Hasard, ils jouent avec lui.”

Moi je n’y comprend rien à ces discussions. Moi j’aime les dessins animés, les héros fantastiques aux pouvoirs mirifiques, et les feuilletons télévisés qui racontent des histoires de chevaux. Mon père me dit toujours : “Clothilde, tu sais, ça n’existe pas tout ça. Ce n’est pas la réalité, fait attention.”

Je lui réponds : “je sais papa, je sais bien tout cela”. Mais je pense que je suis comme tout le monde, j’aimerai tant croire à tout cela. Comme si mon père entendait ce que je pense il ajoute : “Clothilde tu sais, il y a une théorie qui dit que tout existe dans la nature, tout est possible. S’il existe des gens malades, il existe aussi des gens qui ne le sont jamais, s’il existe des idiots il existe aussi des gens extra intelligents… Mais cette théorie ne parlent pas des limites de notre perception…”

“Arrête papa tu vois bien que c’est trop compliqué pour moi ce que tu me racontes là, laisse moi regarder mon dessin animé.” que je lui réponds en mettant mes doigts dans les oreilles pour ne plus l’entendre. Je sais que ça le met en colère et ça m’amuse d’autant plus.

Ma mère elle m’a raconté qu’avant de rencontrer papa elle a vu une voyante. Une vraie voyante, celle qui ne vous voit qu’une fois et qui vous prend quinze euros pour vous dire tout ce qu’elle voit sans avoir à y revenir. Cette voyante lui avait donc prédit qu’elle rencontrerait mon père, un homme qui aurait souffert comme elle et qu’ensemble ils auraient deux enfants dont le dernier un garçon serait plus difficile pendant ses premières années. Elle me dit que tout cela s’est réalisé même jusqu’à son diplôme d’infirmière.

Ma mère est une super maman. Elle me donne plein de calins, elle me fait plein de cadeau, elle range la maison quand je la transforme en un vrai capharnaüm. Mon père est plongé dans ses écrits sur internet. Il rêve m’a-t-il dit de trouver une nouvelle arithmétique, une nouvelle façon de compter. Moi je ne comprends pas je n’en vois qu’une, pas vous.

Ce soir le téléphone a sonné. C’était mamie, elle voulait parler à papa. Je lui ai dit que j’avais fait du poney. Papa était impatient. J’ai fait un gros bisous dans le téléphone. Papa a pris le combiné. Il a écouté mamie et depuis cet instant tout a changé, tout a changé irrémédiablement…

La suite au prochain numéro