Je vais laisser aller les mots glisser vers mon enfance. Il y avait cet enfant qui aimait tant rouler sur son vélo, qui aurait tant aimé que son père soit heureux et moins coléreux. Je voudrais retrouver les impressions de cet enfant là entre sept et onze ans et même plus âgé. Il y a tant de choses dont j’aimerais me souvenir mais surtout les sentiments qui ont pu me traverser, ces moments où j’ai du ressentir mes plus grandes angoisses, ces moments que j’ai effacé de ma mémoire.
“Ô j’aimerai tant que tu te souvienne” chante le poète Gainsbourg. Cette phrase résonne en moi. Je ne sais pas pourquoi : je ne me souviens que d’événements éparses depuis mes six ans, depuis mon accident. Je ne me souviens ni d’avant, ni d’après, juste de quelques événements : les accidents.
Ma mémoire est amputée du passé. Je ne vis que le présent. Mon passé n’existe pas. Même mes années d’étudiants entre 20 et 24 ans, même l’année passée : rien ne reste. Tout s’efface. Comme si je n’avais rien vécu, comme si aucune joie ne m’avait marquée.
Les faits marquants : je me souviens d’avoir descendu le mur qui donnait sur la route mais pas l’accident, je me souviens d’avoir traversé au rouge, je me souviens des cabanes dans la forêt, je me souviens de mon frère en Bretagne, je me souviens de mes douze ans au Luxembourg mais je ne me souviens pas des journées passées en classe, des heures de lectures et d’apprentissage, de ce que mon père pouvait dire exactement.
Tout ceci est comme un rêve, comme si je visualisais les choses de l’extérieur, comme si ce n’était pas moi qui avait vécu ces événements. Comme si j’étais en dehors de toute action.