Il existe un monde qu’on vous apprend à connaître depuis l’enfance. Les hommes ont tant besoins de certitudes qu’ils se raccrochent à cette vision qui semble commune à tous.
Et cette vision, cette illusion occulte la brutalité d’une réalité qui est loin d’être banale.
Je suis un homme qui a renoncé depuis très longtemps à se faire une idée de la réalité. Les idées d’un quart d’heure que l’on ne peut qu’énoncer ne m’intéresse pas depuis toujours. J’ai toujours été étonné de la vacuité de la parole humaine.
Ma solitude j’essaie de l’oublier en me distrayant mais elle revient toujours comme la marée sur la plage.
Je ne sais pas où je vais. Je me laisse emporter par un monde conventionnel. Ces mots peuvent paraître suffisant et trop jugeant. C’est juste l’impression d’un homme qui vit l’absurdité de ce monde.
Je suis out. En dehors de ce monde. J’ai peut-être encore au fond de moi une parcelle infime de recherche d’un pouvoir sur ma vie, mais cette parcelle infime et récurrente je crois qu’elle disparaîtra bien un jour.
Personne ne peut comprendre ce détachement que j’ai avec les choses de notre temps. Mais c’est le long processus qui a commencé un jour de novembre, il y a longtemps.
J’ai renoncé à tout. Personne ne peut comprendre cela. C’est bien plus fort que la dépression.
Je reprends ce texte écrit le 3 juillet dernier. J’ai renoncé à faire, à faire ce que les hommes font. Mais que font les hommes au fond : font-ils ou ne font-il que détruire ?
Si l’on laissait faire la Vie. On apprendrait en l’observant les véritables harmonies que seul le hasard aboutit.
Voilà ce dont je reste persuadé.
Si je ne fais rien, c’est que j’attends, j’observe et si j’attends sans observer, sans apprendre les anciens qui ont déjà observé, je ne sais pas pourquoi car c’est plus fort que moi.
Je suis l’enfant qui jette au loin le jouet que l’on donne en ses mains, qui rejette au loin l’objet qu’on lui redonne sans cesse. Je suis un enfant, je sais jouer de quelques concepts abstraits, de quelques idées mathématiques mais je reste un enfant si loin d’une compréhension totale.
J’ai la chance d’avoir du temps. Pourquoi je le gaspille, pourquoi c’est plus fort que moi, je ne le sais pas. Je prends un livre, j’en lis l’introduction, j’en comprends le sens mais je n’ai pas le courage, la volonté, l’effort pour aller plus avant.
Vous qui me lisez vous savez bien que c’est là mon drame, mon destin, ma fatalité. J’en parle depuis maintenant plus de quinze ans. Et ce drame que je vis continue sa folle répétition.